L'arrivée à l'ENSOA de Saint-Maixent-l'Ecole

Publié le par HAGER Christian

( Extrait de mon livre : 5 ème promo au rapport ! )

 

Les cars venaient d’entrer dans le quartier Coiffé, le lieu de notre casernement à Saint-Maixent. Ce n’était pas le grand enthousiasme. Je n’avais pas envie de descendre du car et c’était à peu près la même chose pour tous les collègues. Bien sûr, ça n’avait pas traîné, nous nous étions pris une première soufflante : «  Mais qu’est-ce qui m’a foutu une bande de cloportes pareils ! s’était écrié un adjudant-chef. Il va falloir vous réveiller et vous secouer les puces. Dépêchez-vous de descendre ! Bon sang ! »

Les sections avaient été constituées dans la foulée. J’appartenais à la 411esection, à la 41ecompagnie et à la 4edivision. Mon chef de section était le lieutenant F., un transmetteur. Son adjoint était le sergent-chef S., un parachutiste.

Nous étions en train de récupérer les sacs à paquetage dans les Simca et c’était toujours trop lent. Nous avions eu droit à notre deuxième engueulade : « Ce n’est pas possible ! Vous vous croyez encore dans votre colonie de vacances d’Issoire ou quoi ! avait crié le lieutenant. Vous avez intérêt à droper la galère, sinon nous ne serons pas copains et Saint-Maixent deviendra votre pire cauchemar ! » Le sergent-chef S. en avait rajouté, en déclarant qu’il y avait des coups de pied au cul qui se perdaient, mais que ce n’était que partie remise. 

Reconnaissez que comme accueil, nous ne pouvions pas rêver mieux. Nous étions dans l’ambiance. Mais ce n’était rien par rapport à la découverte des chambres : la vraie descente aux enfers. Par rapport à Tulle, c’était le jour et la nuit. Nous étions vingt-quatre élèves par chambre et nous dormions dans des lits superposés. À peu de chose près, c’était comme dans la marine. À l’entrée de la chambre, un râtelier sécurisé par un cordon d’acier permettait de ranger les armes. Les lits étaient affectés par ordre alphabétique. Je m’étais retrouvé dans le lit du bas. Celui du dessus était occupé par un collègue issoirien : G. D. 

 

 Le premier rassemblement de la 41ecompagnie avait eu lieu à 18 h 30 et avait été précédé par trois coups de sifflet dans le couloir. C’était le signal pour quitter la chambre et rejoindre au plus vite l’emplacement du rapport. Le rassemblement avait été jugé lamentable, par l’adjudant de compagnie, l’adjudant-chef C. alias Peter Pan. Il n’y était pas allé avec le dos de la cuillère. Il nous avait passé un savon mémorable : « Mais d’où vous sortez les cloportes ? Vous vous croyez encore en vacances ou quoi ? J’ai déjà vu des touristes, mais de votre acabit jamais ! Secouez-vous un peu les puces, bon sang! Remontez dans les chambres et essayez d’être plus nerveux! Vous avez une minute pour vous rassembler ! Exécution ! »

Nous n’avions pas eu plus de succès avec le deuxième rassemblement. Cette fois, celui qui paraissait furax, c’était le capitaine, commandant la 41ecompagnie. Il avait piqué sa crise : « Ça ne va pas, mais ça ne va pas du tout. De deux choses l’une, soit vous vous en fichez, soit vous n’avez pas la patate. Dites-vous bien messieurs que vous êtes à l’ENSOA et qu’ici, c’est marche ou crève. Il va falloir apprendre à vous défoncer. En tant que capitaine, commandant la 41ecompagnie, j’ai pour mission de faire de vous des sous-officiers, aptes à commander des hommes et à les mener dans une action de combat. Sachez qu’avec vos cadres, nous utiliserons tous les moyens pour atteindre cet objectif. Remontez dans vos chambres et tenez-vous prêts à gicler. Au troisième coup de sifflet, vous aurez une minute et pas une seconde de plus pour vous rassembler. Si vous mettez soixante et une secondes, vous ferez une marche de nuit, ce soir. La patate, bon sang, la patate ! »

 

  À trois secondes près, nous échappâmes à la marche de nuit. La 41ecompagnie se dirigea au pas cadencé vers le self pour prendre son premier dîner. Le repas fut copieux et excellent. Il allait en être de même pour tous les repas pris à l’ENSOA.

 

Ma première nuit à Saint-Maixent avait été tranquille. J’avais eu quelques difficultés pour m’endormir, à cause des lits superposés. C’était une habitude à prendre. Le réveil était à 6 h. Je n’avais pas trainé et je m’étais levé aussitôt. J’avais bien fait, car le sergent-chef avait déboulé dans la chambre. Il avait surpris trois collègues encore au lit. Il les avait éjectés des pieux et il leur avait donné 30 pompes à exécuter immédiatement. Le petit déjeuner était servi entre 6 h 30 et 7 h 30. Il était obligatoire. Ensuite jusqu’au rassemblement, nous avions des corvées à effectuer.

 

La cérémonie des couleurs terminée, la 411esection était partie en petites foulées pour le décrassage matinal. Le chef de section et son adjoint nous avaient conduits au Panier Fleuri. Le Panier Fleuri, lieu poétique par excellence, jouxtait le quartier Coiffé. C’était l’endroit où se trouvaient les terrains de sport, le gymnase, les parcours du combattant, la piste du risque, les stands de tir. Son nom provenait d’une ancienne auberge.

Ce n’était pas la superforme en ce qui me concernait. Et la journée ne faisait que commencer. Le sport serait à nouveau au programme de l’après-midi, avec les tests d’aptitude. Le chef  nous incendiait sans arrêt : « Mais d’où vous sortez les guimauves. Ce n’est pas croyable qu’à votre âge, vous êtes si mous. Vous devriez péter la santé et avoir une pêche d’enfer. Alors du nerf les mollasses et un conseil, défoncez-vous ! »

 

Après cette promenade champêtre, la section était revenue à la compagnie. Nous avions pris une douche et nous nous étions rendus dans une salle de cours du bâtiment formation. Le lieutenant nous avait donné un aperçu des cinq mois à venir : «  Pour certains d’entre vous, ce sera difficile, avait-il dit, il faudra s’accrocher. Les plus forts aideront les plus faibles. L’esprit d’équipe est essentiel. Normalement, sauf accident de parcours, tout devrait bien se passer. Vous êtes dispensés d’enseignement général compte tenu de votre niveau scolaire. »

Le lieutenant avait abordé l’important problème des rangers. Les chaussures devraient être graissées chaque jour pour assouplir le cuir et l’adapter à la morphologie des pieds. L’autre priorité, c’était de se procurer un carnet au foyer pour qu’il devienne notre carnet de combat.

 

 

 

 

 

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